• Histoire d'Ours à COMINAC

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    La petite histoire de COMINAC

      

     La petite histoire de COMINAC

      COMINAC   (hameau de Ercé situé à une quinzaine de kilomètres de Massat de l’autre côté du col du Saraillé).

     En 1905 l’état impose un inventaire des biens de l’église pour satisfaire la mesure de la séparation des biens de l’état et de l’église. Dans le hameau, la population refuse de laisser le percepteur entrer dans l’église.  Des ours montent la garde à l’entrée. Le curé de la paroisse lit une lettre dans laquelle il explique que la construction de l’église a été financée par les paroissiens et qu’il n’est donc  pas question de se laisser confisquer ce bien qui leur appartient. Le 6 mars 1906 est prévue l'inventaire de l'église de Cominac  sur la commune d’Ercé.  Trois jours auparavant l'inventaire des chapelles d’Ercé se déroulait dans l'agitation.  L'agent des Domaines peut alors penser que la résistance s'étendra au reste de la commune, comme cela s'est passé dans bon nombre de communes et de cantons ariégeois.   Le mardi 6 mars, le percepteur d’Oust se rend à Cominac afin de procéder à l'inventaire. Arrivés sur les lieux, un curieux spectacle s'offre à lui. 300 personnes, hommes, femmes et enfants bloquent l'entrée de l'église. Au curé de Cominac, se sont joints trois autres prêtes. Et au milieu de ce rassemblement, trois beaux ours. En effet, l'inventaire de Cominac est connu pour avoir été empêché grâce à la présence d'ours. 
    Mais remontons quelques décennies pour comprendre cet épisode « historique ».
     
    En 1833, Cominac ne possèdent pas d'église sur ses terres. Les 67 familles du village sont composées de chrétiens croyants et pratiquants. Or, pour les offices du dimanche ainsi que toutes les autres cérémonies religieuses rythmant la vie des catholiques, les 600 habitants de Cominac doivent se rendre à Ercé, ce qui ne facilite pas la pratique de la religion. Aussi ils décident de construire à leurs frais une église, à Cominac. Dans un acte notarié daté du 28 décembre 1833 67 chefs de familles s'engageant à bâtir cette église. 
    Une première partie de l'édifice sort de terre entre 1834 et 1839. 
    Puis, au milieu du XIXe siècle, un nouvel horizon s’ouvre aux paysans de Cominac. Dès le printemps, les hommes de Cominac partent à l'aventure, avec leurs ours dressées sur les routes de France et de l'étranger. Les vallées du Garbet et de l’Alet ont près de 200 éleveurs d'ours vers 1880. Dans la seule commune d’Ercé, une cinquantaine de ces oursaliers est dénombré en 1890. Ils sont encore une vingtaine en 1909. Les montreurs d'ours parcourent alors la France pour présenter leur numéro. Les ours danses et exécutent quelques tours. Certains montreurs d'ours franchissent les mers pour chercher fortune. Ainsi, des ariégeois et leurs bêtes donnent leur spectacle en Angleterre, en Irlande et jusqu'aux États-Unis d'Amérique ou au Mexique ou au Brésil. Ces hommes ne retournent en Ariège qu’après cinq années d'absence. Mais ce métier leur permet de rapporter de l'argent pour leurs familles ainsi que pour la construction de l'église. De la sorte, l'église est agrandie lors d'une seconde période de travaux entre 1862 et 1869.

    Tous les habitants de Cominac sont conscients des sacrifices que leur a coûté la construction de l'église. Alors, quand en 1905, la loi de séparation est votée et que les inventaires sont institués la population ne veut pas laisser partir son bien. L'église a été construite par les habitants sur leurs propres terres. Elle ne revient donc pas à l'État, ni au département, ni à la commune mais elle reste à ceux qui l’ont édifiée.
     
    Lorsque le 20 février 1906, l'abbé Mirouze reçoit un avertissement lui indiquant la tenue de l'inventaire fixé au matin du 6 mars 1906, il est bien déterminé à défendre l'église. Le curé fait alors part de cette visite à ses confrères d’Aulus, d’Aleu et d’Ercé. Les quatre ecclésiastiques décident de résister aux pouvoirs républicains par tous les moyens. L’inventaire d’Aleu s’est déroulé le 24 février sans aucun incident. A Aulus le 26 février, l'inventaire a été perturbé par la lecture de deux lettres de protestation et la manifestation de 80 personnes. Le 3 mars, l'inventaire des chapelles d’Ercé est  plus mouvementé. Le curé engage une foule d'environ 100 individus à protester contre l'inventaire et empêcher son exécution. Une certaine graduation dans l'organisation de la résistance semble se mettre en place. La prise de position des quatre prêtres passe à l'inventaire de Cominac et suivie de la demande de certains montreurs d’ours d'être présent le 6 mars. 
    L’abbé Mirouze, appuyé par ses ouailles et la présence des ours décide de résister.
    Au petit matin du mardi 6 mars, quelques paroissiens postés sur la route qui mène à Ercé dès l'arrivée des représentants de l'État. Les hommes valides, mobilisés par le curé, se dirigent vers l'église ainsi que les trois curés conviés à l'opération. Vers neuf heures trente, les guetteurs font de grands gestes et alertent à coups de sifflets le carillonneur qui s'empresse de sonner le tocsin : les autorités sont en vue. La population de Cominac laisse ses travaux et accourt vers l’édifice religieux qu’elle a construit. Trois beaux ours sont déjà devant l'église. L’organisation de la résistance ne fait aucun doute. Les paroissiens sont restés à l'intérieur de l'église après la messe du matin ; certains prient à genoux sur leur chaise d'autres égrènent leurs chapelets. Quelques 200 femmes attendent à l'extérieur, protégées par une centaine d'hommes et les trois ours. Quatre hommes arrivent enfin. Il s'agit de deux gardes champêtres d’Ercé, ainsi que du maire adjoint accompagnant l'agent des Domaines. Leur surprise est grande de trouver une foule si nombreuse, mais surtout de voir trois ours dressés sur les pattes postérieures prêts à défendre l'église. Le percepteur tente alors de négocier avec les ecclésiastiques. Mais le curé d’Ercé appelle les habitants à la résistance et déclare : « Nous résisterons jusqu'au bout car nous préférons mourir dans le sens plutôt que de vivre dans la boue. Par précaution, le percepteur préfère se retirer et reporter l'opération d'inventaire à une date ultérieure. »
     Au plus grand étonnement des habitants de Cominac, leur histoire dépasse le cadre de la circonscription. Le 11 mars suivant, un article de « La liberté Saint-Gironnaise » relate cet épisode de lutte contre le gouvernement. Le percepteur est présenté comme un bien piètre représentant de l'État. Il a peur. Il tremble à son arrivée devant la foule. Les trois ours sont à l'origine de cet embarras. Puis il se perd dans des explications erronées. 
    La semaine catholique de Toulouse du onze mars consacre également un article 
     
    « Cominac : une église défendue par les ours »

    Des habitants de Cominac, canton d’Oust, ont trouvé pour défendre leur église, un moyen qui mérite d'être légué à la postérité. Monsieur Peytou, percepteur d’Oust se rendit à Cominac lundi 5 mars pour procéder à l'inventaire de l'église. Et se disposait à remplir sa besogne, quand tout à coup il aperçu quatre ours démesulés, l'air féroce, attachés à la porte des de l'église.Devant cette garde de nouveau genre il jugea bon de ne pas insister et se retira aussitôt.
    L'idée de défendre l'église avec des ours a obtenu, à Saint-Girons, un succès énorme. On fait circuler un propos tenu par les habitants de Cominac : « Nos ours ont bâti notre église, ce sont eux qui la défendront. » En effet, les gens de Cominac, après avoir fait danser leurs ours en France et à l’étranger, avait fait, à leur tour, des dons importants affectés à la construction de l'église. »
    Cet article insiste sur l'action des ours dans cette affaire. Ils sont tout de même présentés comme des animaux agressifs. Rien n'est dit sur la foule, 300 personnes, tout aussi remarquable que trois ours.
    En clair, l'inventaire de Cominac doit sa prospérité à ces trois ursidés.
    D'ailleurs, une série de cette carte postale représentant la scène de l'inventaire a été publiée.
    Ces photographies rappellent la chronologie de l'opération d'inventaire.
          La première carte présente les ours des Pyrénées venues pour défendre l'église.
          La deuxième montre les oursaliers dressant leurs bêtes à se servir de la trique.
          Une troisième dépeint les ours gardant l'église à l'appel des cloches.
          L'attente des représentants de la loi est décrite dans la quatrième carte.
          L'arrivée des dites personnes figure sur la cinquième photographie.
          La sixième est consacrée à la lecture de la lettre de protestation par le curé.
    Enfin, la dernière carte expose une scène pendant la lecture de cette protestation.
    De cette septième carte plusieurs constatations peuvent en être tirées.
           Une majorité de femmes et d'enfants est au premier rang de l'action. 
           Quelques-uns d'un certain âge entourent la porte de l'église. 
           Deux ours attendent sur le perron de l'église. L'abbé Mirouze lit sa protestation pendant qu'un homme derrière lui brandit un prie-Dieu. 
           Selon certains commentaires, le prie-Dieu aurait pu être beaucoup plus dangereux que les ours eux-mêmes. Ces ours sont en effet muselés et attachés à une corde tenue par leurs maîtres. Alors que la personne qui tient la chaise est libre de ses mouvements et peut, à tout moment, assainir des coups violents sur un adversaire.
                Les oursaliers peuvent aussi se défendre avec le bâton qui leur sert à diriger les animaux.
    La tentative d'inventaire du 6 mars, à Cominac, est passée à la postérité. Par contre rien n'a été dit sur la seconde tentative procédée le 24 mars suivant, ni même sur l'opération d'inventaire réussi le 27 en 1906. Ce jour-là, la loi eut raison de la foi. Les ours et leur montreur étaient déjà rentrés dans l'histoire. Ceci grâce aux documents d'archives et aux photographies, mais aussi grâce à la mémoire des habitants de Cominac. Ceux-ci ont su raconter la lutte à leurs enfants et petits-enfants. Et ce sont eux qui, désormais, conservent cet épisode vivant. La mémoire collective retient des traces de ce passé
       

    Nathalie NIEDZIELLA
    « La résistance aux inventaires d’églises en Ariège (1906)    

    Mémoire de maîtrise dirigé par M. Cabanel, maître de conférence en histoire contemporaine à l’Université de Toulouse le Mirail    Septembre 1995  
       Pour en savoir plus sur Cominac  
    http://www.ariege.com/cominac/index.html    La petite histoire de COMINAC